1977, année électrique
1977 ? L’inauguration de Beaubourg et la première de « Téléfoot », le God Save the Queen des Sex Pistols et l’élection de Chirac à la mairie de Paris, le crash de Tenerife et la première radio FM, Star Wars et les Nouveaux Philosophes, le lancement de l’ordinateur Apple II et les morts de Nabokov, Prévert et Chaplin, la bande à Baader et le premier vol du Concorde.
Tu n’as rien vu en 1977. Rien. Qu’y avait-il d’ailleurs à voir, à saisir, à comprendre ? Le monde occidental était plus ou moins en paix, la guerre froide figeait les positions belliqueuses, pas de chômage de masse, une extrême droite somnolente, la jeunesse profitait de l’appel d’air de 68… Tout semblait calme et tranquille. En apparence.
Cette année-là pourtant se joue quelque chose d’essentiel : le début de la chute.
En 1977, le monde occidental de 2017 s’est installé : il y a trouvé son assise. Tout s’y invente, tout s’y déploie, tout s’y transforme, du sentiment de vacuité à l’ivresse du spectacle et de la technique, de la mélancolie postmoderne au triomphe de l’idéologie néolibérale, du deuil d’un avenir radieux à la globalisation des normes. De sorte que 1977 peut être considérée comme la scène primitive de notre époque actuelle. Une année zéro. L’origine de la faille, dont nous éprouvons aujourd’hui les secousses. L’année d’une bifurcation vers un monde brutal dans lequel nous nous agitons encore.
Jean-marie Durand
Jean-Marie Durand, rédacteur en chef adjoint des Inrockuptibles depuis 1997, est la preuve vivante que le cool existe.