Arabesques
Née dans le désert
C’est une histoire assez singulière que celle de l’arabe : une langue sémitique aux origines légendaires, que l’on identifie à partir du haut Moyen Âge comme l’idiome de quelques groupes de bédouins parcourant, peut-être depuis des siècles, les mornes étendues désertiques de la péninsule Arabique. Dans les textes parvenus jusqu’à nous, on reconnaît déjà le charme de cette poésie orale que l’Occident découvrira avec la première traduction en français des Mille et Une Nuits au début du xviiie siècle.
Entre-temps, l’arabe avait lui-même connu une aventure digne d’un conte de fées puisqu’en un peu plus de deux siècles – du viie au ixe siècle – il s’était largement répandu hors de son Arabie natale, à la faveur de l’expansion de l’islam.
Un livre-culte
Tout avait commencé en 612, avec la vision de l’archange Gabriel apparaissant à Mahomet et lui transmettant le message du Dieu unique. Ce sont ces révélations qui seront rassemblées sous forme écrite quelques années après la mort du Prophète (632) pour former le texte du Coran, qui constitue à la fois le premier texte en prose des Arabes et le livre-culte qui sera le fondement de la religion musulmane. À partir du milieu du viiie siècle sera réalisée une version officielle du Coran destinée à devenir l’unique texte sacré reconnu par tous les adeptes de l’islam.
Ayant adopté l’arabe, tout d’abord comme langue de la prière, puis du discours quotidien, des populations d’origines différentes nouvellement converties contribueront à l’enrichissement de cette langue arabe qui intégrera des formes persanes, syriaques, araméennes ou chaldéennes, mais également grecques et latines.
Une langue de savants
Riche de ces apports extérieurs, l’arabe est aussi devenu dans les « Maisons de la Sagesse » le véhicule des écrits scientifiques les plus divers : mathématiques, chimie (et alchimie), astronomie (et astrologie), mécanique, médecine, botanique… Et c’est grâce aux multiples traductions qui proliféreront dès le VIIe siècle que l’Occident prendra connaissance d’un savoir venu de l’Orient. En même temps, la langue arabe laissera des traces durables dans les langues de l’Europe : en Espagne, en Italie et en France, pour ensuite se répandre plus largement en Occident. De plus, si le français compte plusieurs centaines de mots arabes dans son vocabulaire le plus usuel comme le plus recherché : chiffre et zéro, jupe et matelas, artichaut et épinard ou encore alcôve et camaïeu (cf. Glossaire des mots français venus de l’arabe), l’arabe a aussi largement bénéficié de multiples formes lexicales venues du français, surtout dans les domaines du vocabulaire de la voiture, de l’habillement et de la mode (cf. Glossaire des mots arabes venus du français).
De la calligraphie aux arabesques
Mais l’aventure de l’arabe en Occident ne s’arrête pas là puisque l’une de ses représentations les plus élaborées, la calligraphie arabe, qui se trouve à l’origine des entrelacs élégants que l’on nomme des arabesques, est encore présente dans les tableaux de Raphaël ou dans les entrelacs élaborés par Léonard de Vinci et, à sa suite, par Dürer. La langue arabe : une passerelle inattendue entre les cultures de l’Orient et l’Occident…
Structure de l’ouvrage L’ouvrage a été conçu selon deux éclairages complémentaires : d’une part, le cheminement historique de la langue arabe et des gens qui l’ont parlée, enrichie, normalisée ou illustrée, de l’autre une sorte de visite guidée à l’intérieur des manifestations orales de cette langue, tout en soulignant au passage ce qu’elle a donné et ce qu’elle doit aux autres langues, et en particulier à la langue française (cf. les deux glossaires consacrés à leurs emprunts réciproques).
Il s’agit d’un ouvrage aux entrées multiples et aisément repérables : cartes géographiques, tableaux, liste de mots commentés, événements historiques se détachant à l’intérieur d’un cadre, pauses récréatives proposant des énigmes linguistiques dont la solution est à découvrir en tenant le livre à l’envers.
Les annexes, enfin, font partie intégrante de cet ouvrage, avec tout d’abord des références bibliographiques ayant servi à son élaboration. Y ont été joints quatre index thématiques permettant de retrouver plus aisément toutes les informations dispersées dans les différents chapitres : index des noms propres, index des langues, peuples, lieux ; index des mots cités – arabes, français ou autres – (en dehors des deux glossaires) ; index des notions. NB. Le mot sous lequel apparaît une notion dans cet index ne figure pas obligatoirement sous la même forme à la page indiquée.
Bassam Baraké
Bassam Baraké, Professeur de linguistique française et arabe à l'Université Libanaise (Beyrouth), Membre du Conseil supérieur de l'Institut Supérieur Arabe de Traduction (Ligue des Etats arabes), est l'auteur d'un ouvrage sur la phonétique de l'arabe et de plusieurs dictionnaires français-arabe, dont le Larousse français-arabe (Académia, Beyrouth).
Henriette Walter
Henriette Walter, professeur émérite de linguistique à l'université de Haute-Bretagne, membre du Conseil supérieur de la langue française, a publié chez Robert Laffont de nombreux essais, dont Le Français dans tous les sens, L'Aventure des langues en Occident, Honni soit qui mal y pense, L'Aventure de la langue arabe en Occident, L'Étonnante Histoire des noms de mammifères et La Fabuleuse histoire du nom des poissons.