Les livres sur de Gaulle ou Pétain ne manquent pas. En revanche, les livres mettant en scène les deux hommes sont peu nombreux. On se souvient de l’ouvrage de Jean-Raymond Tournoux (1964) ou plus récemment de Herbert Lottman. En dehors, peu d’auteurs se sont risqués à aller regarder et analyser par-delà le tabou de la relation entre les deux hommes. Pourtant l’histoire de ce duo, de leur confrontation, est passionnante. Elle met en scène deux personnalités et deux destins exceptionnels. Elle nous plonge dans la période la plus dramatique et la plus exaltante de notre histoire : la montée des périls, l’effondrement de mai-juin 1940, la collaboration, la Résistance et la Libération. Elle éclaire aussi la réalité de notre temps.

L’auteur dresse d’abord, à travers une interrogation sur le destin, un portrait psychologique de ces deux chefs, d’abord unis par les liens très étroits d’une admiration profonde et qui vont s’opposer à partir de juin 1940, dans un combat sans merci. La première rencontre entre Pétain et de Gaulle date de 1912. Le colonel Pétain est, cette année-là, commandant du 33e RI d’Arras. À sa sortie de Saint-Cyr, de Gaulle, qui aurait pu choisir un poste plus convoité, demande à rejoindre ce régiment. Dans les années 1920, Pétain veillera et supervisera la montée en puissance du jeune de Gaulle pour lequel ? fait rare pour lui ? il éprouve affection et admiration. De Gaulle deviendra la plume et le collaborateur préféré du Maréchal avant de rompre en apparence sur une querelle d’auteur ? l’usage du manuscrit sur lequel de Gaulle avait travaillé pour Pétain ? en réalité sur la question fondamentale de la préparation de la France à la Seconde Guerre Mondiale.

Dès lors, tout oppose les deux hommes qui vont se retrouver face à face dans le dernier gouvernement Paul Reynaud. Alors que les caractères les plus trempés s’effondrent, l’un et l’autre vont passer à l’acte les 17 et 18 juin 1940. Ils incarnent deux attitudes face à la défaite : le choix de l’armistice et de la collaboration pour l’un, la poursuite de la guerre et la résistance pour l’autre. La radio, vecteur capital de la confrontation idéologique, prend une place inédite jusque-là dans la vie politique. Car leur affrontement est tout à la fois une exceptionnelle page d’histoire et une leçon de politique.
À travers le choix du général de Gaulle d’assumer la continuité républicaine et de faire sienne la vision progressiste et sociale du Conseil national de la Résistance, et celui de Pétain de mettre en place un régime autoritaire et contre révolutionnaire, les deux hommes nous donnent une grille de lecture profondément moderne pour comprendre ce qu’est l’identité de la France.