De Kaboul à Calais
Ils sont des milliers chaque année à quitter l’Afghanistan et à affronter tous les dangers pour émigrer clandestinement : obligés de franchir déserts et montagnes, de traverser un ou deux bras de mer, il mettent souvent des mois pour atteindre leur but – quand ils y parviennent. À Calais, ultime porte avant l’Angleterre, ils représentent environ 40 % des clandestins. Wali Mohammadi a été l’un d’eux. Son livre nous fait vivre de l’intérieur l’histoire de l’un de ces enfants perdus, victimes et témoins de la démence de notre monde.
Orphelin – son père, emprisonné par les talibans, est mort sous la torture, sa mère a été déchiquetée par une bombe sur un marché –, il a quitté Kaboul à l’âge de quinze ans, car il n’avait plus rien à perdre, sauf la vie. Après avoir vendu les biens de sa famille et confié son petit frère à des voisins, il décide de rejoindre sa soeur aînée à Londres et se lance dans l’aventure avec une liasse de billets en poche.
Wali fait ici le récit de son périple – à pied, en bus, en voiture, en train, en bateau, en camion – de Kaboul à Calais, via l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Italie… Il raconte les espoirs, les angoisses, les frayeurs, les hasards, les folies de ce voyage (comme cette traversée en Méditerranée sur un petit bateau pneumatique). Il dévoile la chaîne complexe des passeurs, véritable économie fondée sur la contrebande d’êtres humains. Il témoigne aussi de rencontres riches, encourageantes. La générosité de villageois kurdes, la main d’un étudiant parisien guidant le réfugié dans le dédale du métro, et enfin l’abnégation de bénévoles calaisiens.
Wali ne terminera pas son périple en Angleterre. Car Calais le surprendra. Accueilli par une famille adoptive, il décidera de rester en France (où son petit frère le rejoindra). Et c’est muni d’un papier officiel qu’il franchira le Channel, quelques mois plus tard, pour rendre visite à sa soeur. Aujourd’hui, Wali possède un passeport français, travaille à Lille. Il peut aller comme bon lui semble à Londres ou à Kaboul. Mais il ne rêve que d’une chose : aider à la reconstruction de son pays.