Éloge du patriotisme
Être français, c’est accepter de dire : “Ma particularité bretonne, vendéenne, lorraine, corse, africaine, maghrébine, asiatique, turque, roumaine, a, malgré tout l’attachement que je lui porte, moins d’importance que ma particularité nationale. Ma fierté, mon sentiment d’appartenance, mon sentiment identitaire, je les ferai dépendre non seulement de ma communauté provinciale, ethnoculturelle, religieuse, mais aussi, et surtout, de ma patrie.”
À l’heure où la France multiculturelle subit les pressions des communautés ethnoculturelles et religieuses qui s’isolent et se dressent les unes contre les autres, il est urgent de repenser et mettre en oeuvre ce qui fait la cohésion nationale sans dénier pour autant le droit de chacun à rester fidèle à ses racines. Pour le philosophe Michel Lacroix, l’antidote au communautarisme est le patriotisme ; dans ce qu’il a de particulier et d’universel, car la seule défense d’une patrie charnelle, position adoptée par les nationalistes qui nient la dimension universelle, peut aboutir elle aussi à l’éclatement de la nation.
Se replier sur nous-mêmes serait trahir notre tradition française. La particularité de notre patrie doit être préservée non comme une fin en soi mais comme un terreau dont se nourrit l’universalisme. Faire son devoir de patriote aujourd’hui, ce n’est plus surveiller la frontière et repousser on ne sait quel ennemi, c’est assurer la transmission culturelle, autrement dit ne pas oublier son histoire, ni négliger sa langue et la faire partager aux autres, notamment aux plus jeunes. Chaque génération est héritière de celles qui l’ont précédées. Et c’est bien la vie de la nation qui est en jeu dans cette incessante transmission, au-delà des doutes qui la traversent en ce moment. Le sentiment patriotique peut alors devenir une des conditions de la réussite de l’intégration.
Mieux, la France doit continuer de faire entendre ses principes universels au niveau de la gouvernance mondiale en renouvelant le contenu de son message : elle doit s’affirmer comme une force de proposition, un « lanceur d’idées » dans les domaines suivants : la régulation de la finance mondiale ; l’écologie et le développement durable ; la lutte contre la faim ; l’aide aux pays pauvres ; la gestion des ressources rares (matières minérales, énergies fossiles, eau) ; la limitation des armements ; la lutte contre le terrorisme ; le dialogue entre les civilisations. Une voix qui, certes, ne sera pas celle de la nation la plus puissante, mais qui, venant d’un peuple qui jouit encore d’un certain crédit intellectuel et moral, a plus de chances d’être écoutée.
Michel Lacroix
Normalien, agrégé de philosophie, Michel Lacroix est maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise. Il est notamment l'auteur de Avoir un idéal, est-ce bien raisonnable ? (Flammarion, 2007), Se réaliser (Robert Laffont, 2009 ; prix Psychologies-Fnac), Paroles toxiques, paroles bienfaisantes (Robert Laffont, 2010) et Éloge du patriotisme (Robert Laffont, 2011).