Folles de Django
Si sa musique est dans toutes les têtes, la vie du plus grand guitariste de jazz, Jean Reinhardt dit Django, elle, est moins connue. Rien ne prédisposait ce gamin né en 1910 dans une roulotte au lieu-dit La Mare aux Corbeaux, près de Charleroi, à devenir le roi du swing. Rien si ce n’est ce caractère hors norme, instinctif, enfantin, capricieux, inspiré… En un mot génial. Parmi les rencontres qui lui ont permis de passer de l’ombre à la lumière, Alexis Salatko recrée trois anges gardiens aux noms de symphonies : Maggie l’Héroïque, Jenny la Pathétique et Dinah la Fantastique. Trois générations de femmes enragées de jazz, folles de Django, qui ont cru en lui et l’ont accompagné au long de sa flamboyante carrière.
Dès l’âge de douze ans, la virtuosité de Django sidère le public des cafés parisiens. Il enregistre son premier disque à dix-huit ans. Il ne sait ni lire ni écrire. Encore moins déchiffrer une partition. Bientôt, il est invité à jouer à Londres, mais un drame survient qui va bouleverser sa vie : un incendie ravage sa roulotte, brûlant grièvement Django et sa femme. Le couperet tombe à l’hôpital : deux doigts de sa main gauche n’ont pu être sauvés. Il ne jouera plus.
Django ne peut envisager sa vie autrement qu’en musique. « Bien sapé, oisif et admiré de tous » : seule sa guitare peut lui faire toucher l’idéal manouche. Durant les dix-huit mois qu’il passe à l’hôpital, il développe une technique guitaristique unique et fait de son handicap un attribut exceptionnel. Avec le violoniste Stéphane Grappelli, ils créent une musique innovante qui remporte vite un grand succès.
Pendant la guerre, Django est le roi des nuits parisiennes. Mais un Manouche doit se faire discret, et il vaut mieux pour lui filer en zone libre… Après la guerre, Django fait une tournée aux États-Unis, en compagnie de Duke Ellington. À son retour, son jeu est plus inspiré que jamais.
Alexis Salatko
Auteur d'une quinzaine de romans et de biographies salués par la critique et récompensés par de nombreux prix – notamment Horowitz et mon père, prix Jean-Freustié 2006, Un fauteuil au bord du vide, prix François-Mauriac de l'Académie française 2007 ou récemment Céline's band (Robert Laffont, 2011) –, Alexis Salatko écrit également pour la télévision et le cinéma.