Hell’s Angels
» Ce qui fascinait Thompson chez les Hell’s Angels était le lien qu’ils entretenaient avec l’Amérique des pionniers, faisant revivre le mythe de la frontière et avançant comme si l’espace qu’ils parcouraient était le leur. […] À l’époque où il travaillait à San Francisco, Thompson avait été très intrigué par ces hordes de mastodontes aux cheveux longs qu’il voyait déambuler à toute allure en Harley Davidson. Ils étaient appelés Hell’s Angels en souvenir d’une escadrille de combat de la Première Guerre mondiale. […] » Thompson va passer un an en compagnie des Hells’Angels, gagnant leur confiance, roulant à leurs côtés au guidon de sa BSA 650 Lightning achetée grâce à l’avance touchée sur son livre. […] Ce zoo humain monté sur deux roues n’a rien de rassurant, et sa simple apparition suffit à semer la terreur. Certains ont un bandana noué autour de la tête ; d’autres, plus belliqueux, se contentent d’un casque à pointe. Tous portent la quincaillerie de la Wehrmacht. Croix gammée et croix de guerre viennent s’ajouter à leur uniforme de base, Levi’s couleur cambouis, veste sans manches et tatouages en tout genre. Tout le long de cette équipée sauvage, Thompson en profitera pour montrer aux Angels les pages qu’il vient de rédiger. La plupart se montrent amusés, mais l’un d’eux insiste pour que Thompson retire de son texte le mot « sodomie » pour ne pas scandaliser sa mère si jamais le livre lui tombait entre les mains. » Ce mode d’écriture au jour le jour permet de mieux saisir l’évolution du regard de Thompson sur les Angels et de constater à quel point cette bande d’abrutis finit par le décevoir. Et Dieu sait si Thompson croyait en eux, lancé à la recherche du dernier groupe d’authentiques outlaws dans un pays désormais persuadé que Jesse James est un personnage de série télévisée. Or les Angels ne sont que les restes dégénérés de cette époque glorieuse. Plus vraiment des outlaws, mais des losers persuadés de ne jamais pouvoir changer le monde. L’outlaw avait encore une utopie, le Hell’s Angel n’en a plus. Il se contente de semer la terreur là où il passe, sans but, sans idéal, sans espoir. « J’imagine que je suis un sacré loser, confie un Angel, mais vous parlez d’un loser qui va foutre un sacré bordel là où il passera. » » La lune de miel entre Thompson et les Angels se termine dans le caniveau. Peu après la publication de son livre, il refuse de partager ses royalties avec les Angels ; ces derniers se vengent en le laissant à moitié mort sur une route, le crâne défoncé à coups de pierres. Plus tard, Thompson confiera : « Aucune personne de bon sens n’aurait accepté de vivre près d’un an avec des porcs pareils. »Les Inrockuptibles
Hunter S. Thompson
Hunter S. Thompson est né en 1937 ou 1939 à Louisville, dans le Kentucky. Arrêté en 1956 pour vol, il échappe à la prison en entrant dans l’Air Force. En 1959, il part pour Porto Rico, où il a trouvé un emploi de chroniqueur sportif. Il collabore ensuite à plusieurs journaux, notamment à Rolling Stone, le National Observer. Installé dans le Colorado, il se fait connaître avec Hell’s Angels, puis publie, entre autres, Las Vegas Parano, Rhum Express, La Grande Chasse aux requins, Le Nouveau Testament gonzo. Il est mort en 2005.