J’ai longtemps eu peur de la nuit
« Tu as eu longtemps peur de la nuit avec cette croyance ancrée que l’on est plus fragile et plus vulnérable dans l’obscurité » résume l’auteur dans une phrase qui a inspiré le titre de ce livre et lui donne tout son sens.
C’est par la confrontation de leurs destinées et leurs hantises mutuelles que les deux héros de ce roman vont tenter d’exorciser cette part d’ombre qu’ils portent en eux. Arsène, l’orphelin rwandais réfugié en France et adopté par une famille française, en confiant à Suzanne le secret de sa jeune existence, et celle-ci en se replongeant simultanément dans son propre drame familial : la perte de son père qu’elle adorait.
Tout commence lorsque Suzanne, qui anime des ateliers d’écriture avec de jeunes collégiens, demande un jour à chacun d’eux d’apporter un objet de famille, susceptible d’illustrer leur vie personnelle et intime.
Un seul d’entre eux avoue qu’il n’en possède pas : un adolescent africain prénommé Arsène recueilli par un couple de professeurs parisiens. Rien ne lui reste de sa famille d’origine, si ce n’est une valise qu’il a emportée avec lui durant sa fuite et qui lui a servi d’habitacle pour dormir et parfois se protéger, devenue une sorte de « prolongement de lui-même ».
C’est à partir de cet objet singulier que Suzanne va le convaincre de lui raconter son itinéraire, la façon dont il a réussi à échapper aux tueries qui ont anéanti tout le reste de sa famille et de son village quasiment sous ses yeux.
L’exercice d’écriture auquel il accepte de se prêter devient pour Arsène le moyen de surmonter sa solitude et sa peur d’enfant. Revivre ses traumatismes, restituer l’horreur qu’il a traversée lui permet peu à peu de renouer les fils d’une identité dévastée.
Ce travail conduit Suzanne à retourner dans le même temps sur les traces de son propre drame et de la perte irréparable qui continue de meurtrir son existence. Elle revient sur les lieux du bonheur perdu pour un ultime adieu à son père disparu prématurément, rituel du souvenir, pèlerinage intérieur qui l’aidera à retrouver ses racines profondes et à vivre enfin en accord avec elles. Par la grâce de l’écriture et de l’imaginaire.
Yasmine Ghata
Fille de l'écrivaine d'origine libanaise Vénus Khoury-Ghata, Yasmine Ghata s'est imposée dès son premier roman, La Nuit des calligraphes, traduit en 13 langues et couronné entre autres par le prix Découverte Prince Pierre de Monaco. Elle a publié chez Fayard en 2007 Le Tar de mon père, en 2010 Muettes et en 2013 La Dernière Ligne.