L’intemporalité perdue et autres nouvelles
Des nouvelles d’Anaïs Nin inédites en poche traduites par Agnès Desarthe et préfacées par Capucine Motte, auteure et cofondatrice du prix Anaïs-Nin.
« Habité par des personnages imparfaits, ils ont tous en commun une certaine vision de la féminité, du désir, des fantasmes et s’affranchissent d’une réalité souvent décevante. » Sophie Rosemont, Vogue.
« Mais comment fait-on alors si la chose existe et qu’on a besoin d’un mot pour la nommer ? »
– On n’en parle pas, répondit-il. Ou bien on en invente un nouveau. »
Cet étrange dialogue résume à lui seul l’œuvre d’Anaïs Nin. Comment raconter le désir d’une femme mariée, apprentie écrivaine au début du siècle dernier – désir sexuel, appétit pour la vie, l’art – désir de décrire ce qui n’existe pas encore tant qu’il n’a pas été couché sur le papier ?
C’est à cette définition qu’elle s’attelle dans ces seize nouvelles inédites. La plupart ont été écrites entre 1929 et 1931. Anaïs Nin vit alors à Paris avec son banquier-poète de mari, Hugh Guiler, qui la choie et lui offre une vie aisée. Elle n’a pas encore rencontré Miller (ce sera chose faite en 1932). Elle est encore cette jeune femme, la vingtaine, qui tient assidument un journal intime, journal qui lui fera plus tard atteindre la gloire qu’elle a passé une grande partie de son existence à attendre.
À l’époque, ces textes ne trouvent pas acquéreur : trop singuliers, sans doute, trop étranges.
Ainsi on y croise une jeune femme qui largue les amarres d’un bateau attaché à un arbre au fond d’un jardin, silencieux et sombre, parée pour un grand voyage. Une petite fille abandonnant ses poupées pour se consacrer à l’étude du goût de ses larmes. Un homme d’affaires fuyant le luxe d’un hôtel sur la Riviera autant qu’il fuit celle à laquelle il ne pourra résister longtemps. Une danseuse de flamenco enflammant les passions rêveuses d’une auteure en quête du « sentiment tzigane ». Un homme essayant de changer, de croire aux miracles, sans parvenir à se soustraire à sa véritable nature. Une danse indansable. Un dangereux parfum qui transforme un appartement en lieu de souvenirs entêtants. Des roses rouges pour assouvir un désir enfoui. Un amour rendu impossible par une « intensité pâle ». Les techniques d’un grand écrivain disséqués par son épouse, qui distingue la vraie vie de celle de ses personnages… Hantée par la dualité de l’être et du paraître, par la nécessité de mettre en mots les sentiments et sensations qu’elle accumule en elle, on retrouve dans ces nouvelles ses obsessions et sa langue, pénétrante et poétique.
« Anaïs ne peut être enfermée dans aucune case. Elle n’appartient qu’à elle-même, et elle appartient à tous. Et ces nouvelles en sont l’exquise prémonition », nous dit Capucine Motte dans sa préface à cette édition. Si Anaïs Nin est devenue une icône féministe – elle qui décida de placer l’art au centre de sa vie et de ne jamais avoir d’enfants –, c’est avec une grande liberté qu’elle livre sa propre définition de la féminité. L’Intemporalité perdue et autres nouvelles de jeunesse nous offre, dans une très belle traduction d’Agnès Desarthe, une plongée rare dans la genèse de l’œuvre d’une des auteures les plus modernes et admirées du XXe siècle.
Anaïs Nin
Anaïs Nin, née le 21 février 1903 à Neuilly-sur-Seine et morte le 14 janvier 1977 à Los Angeles, est une femme de lettres américaine d’origine franco-cubaine. Elle doit sa notoriété à la publication de journaux intimes qui s'étalent sur plusieurs décennies et offrant une vision profonde de sa vie privée et de ses relations. La version non censurée de ses journaux n'a pu être publiée qu'après sa mort et celle de son mari. Elle est aussi l'une des premières femmes à écrire des ouvrages érotiques.