La culture des idées
Gourmont, c’est une vie d’écrivain comme on faisait hier, une vie de sacrifice de la vie. Sans sentiment d’exploit d’ailleurs, la littérature, la remplaçant tout naturellement, devenant la vie même. Pas de femmes (sinon une vieille maîtresse), pas d’enfants, pas de voyages : écrire et publier. Principalement dans Le Mercure de France, revue que Gourmont fonda avec quelques amis, reprenant un titre du xviiie siècle. Gourmont est un farouche, son tempérament le porte à contredire tout ce qui entraîne vers le groupe, la promiscuité, les mouvements d’idées. Des éruptions d’irritation le rendent parfois tranchant. C’est pour se séparer, après toutes les blessures qu’il en a reçues, d’une humanité sans tact. Ce genre d’écrivain a élevé la littérature française à un emplacement sûr, où les galopins de chaque génération pouvaient dessiner des moustaches au portrait des Illustres avant d’en devenir eux-mêmes. Son influence a été discrète et sûre. Cendrars l’admirait, Apollinaire a parlé de lui avec chaleur. Cocteau raconte qu’il a eu l’idée de sa pièce L’Aigle à deux têtes en lisant une de ses Promenades littéraires. Comme pour beaucoup d’écrivains passés par le symbolisme, c’est dans les pays anglo-saxons que son rayonnement s’est fait le plus sentir. Qui pourrait nier ce qu’Ezra Pound dit des essais de Gourmont : » J’incline à les juger le meilleur portrait possible, c’est-à-dire le meilleur résumé de l’esprit civilisé entre 1885 et 1915 » ?
Charles Dantzig
Ce volume contient :
Le Joujou et trois autres essais ; La Culture des idées ; Le Chemin de velours; Physique de l’amour ; Epilogues ; Promenades philosophiques ; La Petite Ville, suivi de Paysages ; Pendant l’orage ; Pendant la guerre.