La passion selon moi
« De nulle part, c’est une chance » lui souffle Zoraïa. Encore faut-il accepter de payer avec humour le prix de cette liberté. « Toujours des histoires de frontières, des histoires de papiers. Et des histoires de chiens aussi. Au Maroc ? Non ici.Aziz :- A Voltaire… Voltaire ! répète-t-il. Ffferney-Voltaire. Il en bégaie encore en le racontant. J’imagine très bien la scène au poste frontière. Sami au volant, lui à la place du mort, son labrador derrière. À la tombée du jour, l’heure de pointe des frontaliers. C’était une chance à courir. Ils laissaient passer – quoi ? neuf véhicules sur dix. Au moins. Plaques françaises ou suisses, sans distinction. Toutes immatriculations – allez ! j’y suis passé moi aussi, avec Salim et Mort. Je me souviens des portiques éclairés à mort : ces lumières jaune orange qui vous cadavérisent en gris à travers le pare-brise. Et les flics avec matraques réfléchissantes, comme autant de figurines articulées d’un grand Legoland… Leurs gestes mécaniques pour vous faire signe de passer. Aziz :- Ma gueule ou le hasard ? Toujours est-il. On leur a demandé, à eux, leurs papiers ; Sami a tendu sa carte d’identité infalsifiable et plastifiée, Aziz, son passeport algérien et la photocopie de son permis de séjour.- Le schmidt m’a dit : « Le chien peut passer mais pas vous. » Il répète comme s’il n’y croyait toujours pas, en exagérant bouffe l’accent genevois : « Le chien peut paasser mais paas vous. » Il ajoute : – Poli, remarque bien ! bien élevé : il m’a vouvoyé. « Le chien peut paasser mais paas vous… » A Voltaihaire, mon ahmi. Voile de béton, tunnel sous les pistes d’envol, signalisations, avions, cars de police, camions de pompiers, engins de levage, herses, lampadaires, bornes lumineuses, flèches au sol, stops, spots, x, drapeaux, croix rouge ou anneau d’étoiles sur fond bleu nuit, uniformes bleu nuit, cirés fluos, combinaisons de travail vert vif, casques blancs, casques jaunes, casques bleus, boléros de sécurité… Legoland. L’Europe démocratique. L’Europe idéale ! Ferney-Voltaire. – Nahan ! «
Paul Smaïl
De Paul Smaïl on ne sait rien, sinon ce qu'il livre au fil de son auto-fiction. La trentaine. Français. Un grand-père mort pour la France. Un oncle assassiné par la police française en octobre 1961. Fou d'amour pour Myriam, "princesse juive". Fou de littérature : Melville, Conrad, Stevenson... Cervantès. Aime partir à l'aventure ! "Les verts rivages de la Terre promise..." Mais finit toujours par revenir à Barbès, là où il habite.