La Plage des baleines
Lorsqu’Alice se rend à l’enterrement de son amie Garance, elle se trouve entraînée par les dernières volontés de la défunte dans quatre lieux où elle lui a demandé de disperser ses cendres. Quatre adresses qui recoupent autant de moments de sa vie et de personnes qui l’ont partagée. Mais qui est cette Garance dont Alice ne connaissait que le pseudo, Gaïa, et pourquoi l’a-t-elle choisie, elle, pour reconstituer les pans d’une destinée personnelle dont elle n’a jamais fait partie dans la réalité ? En dépit des mises en garde de sa fille Mouna (« La toile n’est pas la vie, tu devrais être plus méfiante »), elle se lance dans cet étrange périple.
La première étape la mène aux États-Unis où Garance a vécu entre deux séjours en France. Elle y rencontre son mari Peter qui lui fait découvrir l’un des lieux où Garance souhaitait qu’une partie de ses cendres soient déposées : la plage des Baleines. Elle commence à découvrir à cette occasion la véritable histoire de son amie, celle d’une jeune femme qui a préféré une existence virtuelle à sa vie de famille. C’est ainsi qu’elle apprend que Garance a brusquement quitté le foyer familial, lors de la maladie de sa petite fille qu’elle a abandonnée sans même assister à son enterrement.
« Partout où Gaïa passait, le monde titubait », constate Alice que la deuxième étape de son itinéraire ramène à Paris auprès d’une amie de Gaïa, Énora, chez qui elle a trouvé refuge après s’être enfuie des États-Unis et a souhaité qu’une autre part de ses cendres soient déposées. Énora lui révèle que Garance, comme elle fervente adepte d’Internet, l’a dénoncée pour des activités libertaires qu’elle menait sur le Web, persuadées l’une et l’autre que la révolution mondiale se jouerait là. Alice est alors tentée de tout abandonner devant ces révélations post-mortem qui ne correspondent pas au visage de la femme qu’elle a connue par Facebook. Mais elle décide finalement de poursuivre son aventure en se rendant en Grèce, près d’Olympie, selon les consignes laissées par Garance avant sa disparition. Elle y fait la connaissance de la lumineuse Milena et de son mari Nikos, professeur d’économie reconverti en éleveur de chèvres chez qui Gaïa est allée s’abriter après sa trahison et qui lui dévoilent d’autres secrets de son existence.
Le quatrième et dernier lieu est un banc de pierre dans un parc d’une ville de province, directement lié à l’univers intime d’Alice. Alors que tous ses proches la conjurent de mettre un terme à cette histoire, elle comprend que Garance n’a pu connaître cette partie de sa propre vie qu’en espionnant ses contacts Facebook, en particulier familiaux. Mais, se sentant dépositaire du portrait d’une femme contradictoire, chez qui « il n’y avait plus de continuités, seulement des lieux et des visages sans chemin qui les reliaient, comme sur la Toile », elle accepte de rester sa mémoire vive et peut-être imaginaire.
Emmanuelle Terff
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