La promesse des jours
«Le chemin montait dru pour déboucher brusquement sur le plateau d’herbe rase et de cailloux. Autour de nous, les collines moutonnaient, dorées de soleil, verdoyantes de forêts et de champs de blé. Là-bas, au fond, tout au fond de l’horizon coulait la Dordogne entre ses falaises. […] Intrigué par un amas important de végétation, j’ai quitté mes compagnons pour prendre un chemin de traverse qui piquait du nez vers le ruisseau. Et là, soudain, je l’ai vue, entourée d’herbes folles, ensevelie sous les ronces et les branches d’un vieux tilleul. Une haie de buis conduisait à sa porte entrouverte. Je l’ai poussée. Dans cette pièce qui servait de cuisine, tout était intact, comme si son dernier occupant l’avait quittée pour y revenir un jour. Dans l’immense cheminée pendait une marmite suspendue à sa crémaillère. Au-dessus de l’évier de pierre, les casseroles étaient accrochées en taille décroissante. J’ai fait le tour de la pièce, lentement. Celui ou celle qui habitait là avait dû partir rapidement en abandonnant tout sur place: le pot à eau à grosses fleurs jaunes, la boîte en fer-blanc pour le sucre, le chapeau accroché à sa patère, la bouillotte en terre cuite. Tout était resté en l’état. Tel quel. J’ai eu le sentiment, très fort, d’être arrivé chez moi.»Gilbert, démobilisé, rentre d’Algérie. De la guerre qu’il a vécue dans les rangs du contingent, il revient déchiré dans son âme pour avoir partagé des actions de répression qui hantent ses jours et ses nuits. Un jour, par hasard, lors d’une virée dans le Lot avec des copains, en marge d’un village proche de Turenne, il découvre une maison abandonnée, presque une ruine. Il en tombe immédiatement amoureux. Grâce à l’amitié d’un vieux paysan, Gilbert va apprendre à vivre sur ce causse si pauvre que n’y poussent que des pierres. Avec sa compagne, il élève des chèvres, fait des fromages. Même quand elle le quitte, il poursuit. Il n’est plus seul dans ce village où on a appris à l’estimer. Entrent en scène, autour de lui, quelques très beaux personnages, dont la simplicité porte la générosité et l’amour. Ainsi la maison, la maison de l’oubli – de l’oubli de la guerre – aura-t-elle rempli son office: la réconciliation et la paix.
Colette Laussac
Colette Laussac a longtemps partagé sa vie entre Toulouse, où elle enseignait, et son village natal de Branceilles, en basse Corrèze ; elle vient de le regagner définitivement. Elle a publié : Le Dernier Bûcher, À la Saint-Martin, Le Sorcier des truffes, La Falaise qui chante, Le Don en héritage, La Promesse des jours, Le Ciel de Collonges et Le Vent d'Espagne.