Les Girondins, T. 2
Lamartine, orateur exceptionnel qui avait le sens de la formule, a lui-même rédigé l’argumentaire de son ouvrage : « J’entreprends d’écrire l’histoire d’un petit nombre d’hommes qui, jetés par la Providence au centre du plus grand drame des temps modernes, résument en eux les idées, les passions, les fautes, les vertus d’une époque… Cette histoire pleine de sang et de larmes est pleine aussi d’enseignements pour les peuples. » Et il ne manquait pas de citer la lettre envoyée par Victor Hugo : « Tout ce que j’ai déjà lu de votre livre est magnifique. Vous saisissez ces hommes gigantesques, vous étreignez ces événements énormes avec des idées qui sont à leur taille. Ils sont immenses, mais vous êtes grand. »
De fait, Lamartine ne se limite pas au destin finalement tragique du parti des Girondins – Vergniaud, Guadet, Gensonné, Buzot, les époux Roland… –, mais étend son récit de la mort de Mirabeau, en avril 1791, jusqu’à thermidor et la chute de Robespierre, qui devient peu à peu le héros principal de la tragédie révolutionnaire mise en scène ici. Car, comme le souligne Mona Ozouf, « plus qu’au livre d’histoire, plus qu’au poème ou même au roman, c’est au théâtre que font penser ces Girondins», le livre dont l’auteur prend souvent ses aises avec la réalité historique pour produire des effets plus saisissants.
La réussite fut totale, le succès éclatant. Toutes proportions gardées, Lamartine devenait pour la Révolution française ce qu’avait été, quarante ans auparavant, Chateaubriand avec Le Génie du christianisme pour la religion. Comme son illustre confrère, il avait su capter la sensibilité et les attentes de ses contemporains, leur livrant l’histoire que, à la veille de la révolution de 1848, ils voulaient lire. Aujourd’hui, l’Histoire des Girondins est autant un témoignage sur cette époque qu’une fresque épique sur la Révolution brossée par un magicien du style.
Alphonse de Lamartine
Alphonse de Lamartine, né en 1790, se fit connaître en 1820 par ses Méditations poétiques, qui bouleversèrent les coeurs et sonnèrent l'entrée en romantisme de la jeune France littéraire. Mais le superbe gentilhomme ne se cantonna pas à la poésie, qui le porta au firmament de la célébrité. Après avoir tâté de la diplomatie en Italie, il fut élu député en 1833. Constamment réélu, il soutint le gouvernement de Louis-Philippe jusqu'en 1842, puis se sépara de la majorité conservatrice. C'est alors qu'il s'attela à la rédaction de Les Girondins, qui parut en 1847, en huit volumes. L'année suivante, il devenait le principal ministre du gouvernement provisoire de la République.