Louis XIV – NE
Les Français, dit-on, se situent politiquement en fonction de la manière dont ils jugent leur Révolution. Mais l’on peut observer, parmi eux, un clivage analogue à propos du règne de Louis XIV : de nos jours, on voit alterner, d’un volume à l’autre, le dénigrement systématique et la louange excessive. Aussi, pour l’« honnête homme » désireux de se former une opinion personnelle, le recours au livre de Lavisse apparaît-il indispensable.
Certes, depuis 1908, date de sa parution, les historiens ont exhumé de nombreux documents et ouvert des perspectives nouvelles ; sur certains points, il est des révisions qui s’imposent. Il n’en demeure pas moins que les ouvrages fondés sur les sources – c’est précisément le cas de ce Louis XIV – sont ceux qui demeurent le plus longtemps valables. Si cette oeuvre de Lavisse souligne sans complaisance les zones sombres et les échecs du règne, elle permet en même temps de mesurer sa grandeur. Louis XIV et les Français lancèrent alors un véritable défi à une conjoncture foncièrement défavorable. Ils démontrèrent qu’il n’existe ni fatalité historique ni déterminisme absolu ; que le courage et la volonté sont toujours bénéfiques ; que ces deux vertus, guidées par la raison et le sentiment – se soutenant tour à tour et se gardant l’un l’autre -, peuvent permettre aux nations de triompher des circonstances les plus contraires. L’honneur du grand roi et de la nation est d’avoir réalisé une France « mère des arts, des armes et des lois » en dépit des tempêtes et d’une adversité quasi permanente.
Ernest Lavisse
Ernest Lavisse fut élève de l'École normale supérieure, puis attaché au cabinet du ministre de l'Instruction publique Victor Duruy. Professeur à la faculté des lettres de Paris à partir de 1888, élu à l'Académie française en 1892, directeur de l'École normale supérieure en 1904, il connut une énorme célébrité grâce à son manuel d'histoire utilisé dans toutes les écoles. Il dirigea une Histoire générale du IVe siècle à nos jours, en collaboration avec les meilleurs spécialistes de l'époque. Il prit ensuite la direction d'une Histoire de France depuis les origines jusqu'à la Révolution. En 1920, il lança une Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu'à la paix de 1919. Il mourut en 1922, au moment où s'achevait cette gigantesque entreprise dont le retentissement fut considérable.