Markus presque mort
S’il est une jeune romancière sachant décrire avec finesse l’éveil de l’adolescence, c’est bien Valérie Sigward. Avec cette pudeur et cette grâce déjà déployées dans La Fugue, elle nous livre un récit d’amitié entre deux jeunes gens que la vie, par sa cruauté absurde, va brutalement séparer.
Frank et Markus ont dix-sept ans. Dans leur quartier, la possession d’une mobylette est un titre de gloire. Markus a ce privilège dont il fait profiter Frank, qu’on peut voir toutes les semaines accroché à la taille de son meilleur ami, sur le siège arrière. Mais un jour, le long d’un chemin de halage désert où ils s’entraînent à rôder leur machine, un autre engin les percute de plein fouet, avec une violence délibérée. Frank se retrouve les deux jambes cassées, tandis que Markus, lui, est plongé dans un coma profond. Dès lors, Frank, rassemblant des souvenirs épars, va s’adresser du fin fond de sa conscience à son silencieux acolyte, pour tenter de reconstituer ce qui s’est réellement passé cette nuit-là. Un seul homme était-il présent lors de l’accident ? Ou bien deux – comme l’ont suggéré les journaux locaux ? Comment Markus a-t-il pu se retrouver si grièvement blessé alors que sa mobylette ne dépassait pas les soixante kilomètres à l’heure ? Tels sont les enjeux de ce récit qui fait alterner passé et présent, l’un et l’autre s’éclairant mutuellement, et dont l’intrigue conduit jusqu’au plus inattendu des revirements de situation.
On connaissait déjà la capacité de Valérie Sigward à fixer la fragilité des êtres et des situations, à dévoiler par de menus détails cette profondeur des sentiments qui contraste avec la maladresse, parfois irréparable, des gestes ou des mots ; elle nous avait accoutumés à cet unique mélange d’insouciance et de gravité qui est l’apanage de ses personnages. Et l’on n’avait pu qu’admirer la justesse de son style et son impeccable sobriété. Mais avec ce nouveau roman, on découvre toute l’étendue de son talent de narratrice. L’habileté de la construction n’a d’égal que l’équilibre parfait qu’elle parvient à maintenir entre l’émotion, sans cesse retenue et le suspense qui nous tient en haleine de la première à la dernière phrase. Valérie Sigward semble avoir gagné en maturité, et, assurément, elle n’a pas fini de nous surprendre.
Valérie Sigward
Au fil de ses romans, Valérie Sigward affirme avec talent son appartenance à la génération des jeunes écrivains qui comptent. Toujours d'actualité, ses récits ont une voix singulière et profonde, qui ressemble à une évidence. Chez Julliard, elle a publié Comme un chien (2000), Dans la chambre de silence (2003), Immobile (2004), La Fugue (2006).