Trous noirs
L’histoire d’une guerre quasi shakespearienne de trente ans entre deux camps de scientifiques. Tout est parti d’une question apparemment anodine (quoique spéciale) : que se passe-t-il quand quelque chose – une planète, une étoile, un rayon de lumière, ou pourquoi pas nous-même… – tombe dans un trou noir ? Est-ce que cela disparaît vraiment à jamais ? En 1976, Stephen Hawking, qui n’était alors qu’un très jeune scientifique, devenu depuis une véritable icône de l’astrophysique dans son fauteuil roulant, affirme que oui : si on lance dans le monstre cosmique une « séquence d’informations », celle-ci est comme dévorée et irrémédiablement perdue pour le monde extérieur, estime-t-il. C’est contre cette affirmation que Leonard Susskind, l’auteur de Trous noirs. La guerre des savants, se dresse alors. Lui aussi très jeune à l’époque, il juge que l’affirmation de Hawking menace tout l’édifice théorique de la physique (parce qu’elle nie la plus fondamentale des lois de la nature : la conservation de l’information). Ce livre raconte la longue lutte intellectuelle qui l’opposera pendant des années à Hawking, les nombreuses batailles successives de leurs deux camps – dont celle, décisive, à Santa Barbara en 1993 – et comment ils sont restés amis même si lui, Susskind, a gagné la guerre !
Susskind expose ici de façon lumineuse tous les mystères de ces objets cosmiques fascinants que sont les trous noirs. Il rappelle comment l’idée en est née de façon théorique chez le mathématicien français Laplace avant qu’ils ne soient découverts dans l’univers au XXè siècle. Il explique pourquoi, dans un trou noir, le danger ne vient pas de rochers pointus mais de la « singularité » qui se tient en son centre. Pourquoi il est impossible de survivre à cette force d’une intensité infinie, la plus violente qui soit dans l’univers. Une idée qui horrifiait Einstein tant qu’il s’est dressé contre elle !
Hormis une vulgarisation hors pair (jamais les notions difficiles comme l’entropie ou le principe d’équivalence n’ont été aussi bien expliquées…), le livre de Susskind (et c’est tout son charme) permet de croiser plusieurs des plus grands esprits scientifiques de notre temps (ou des siècles précédents) – d’Albert Einstein ou Isaac Newton à Gerard ‘t Hooft, très proche de l’auteur et ayant mené la bataille avec lui ; de Niels Bohr ou Werner Heisenberg à Stephen Hawking, évidemment ; de Max Planck ou Dirac au Prix Nobel Richard Feynman… Avec eux, on comprendra l’enjeu majeur de la physique d’aujourd’hui, qui est de réconcilier les deux théories les plus fondamentales : la relativité générale d’Einstein et la mécanique quantique.
Enfin, comme si cela ne suffisait pas, Leonard Susskind suggère que notre univers, rempli de galaxies, d’étoiles, de planètes, de trous noirs…, de maisons et de personnes, notre monde tridimensionnel de la réalité ordinaire est un hologramme (une représentation de la réalité, codée sur une surface éloignée). La science la plus sérieuse dépasse la fiction !
Leonard Susskind
Leonard Susskind est professeur de physique théorique à l'université de Stanford (Californie). Membre de l'Académie des sciences américaine, il est l'auteur du Paysage cosmique : notre univers en cacherait-il des millions d'autres ? (Robert Laffont, 2007).