Une golden en dessert
L’observation des sentiments humains a donné naissance à de grandes et profondes oeuvres. Kierkegaard s’est penché sur le désespoir, Baudelaire et Nerval sont les princes de la mélancolie, et Bergson a étudié le rire. Plus près de nous Philippe Delerm s’est employé à définir les plaisirs minuscules et André Comte-Sponville les petites vertus. Mais nul penseur, philosophe, psychologue ou sociologue n’avait encore daigné s’intéresser au cafard. Ce vide est aujourd’hui comblé.
Quel rapport entre une demi-golden oxydée dans un frigo vide à côté d’un vieux morceau de fromage, un champ de betteraves où tombe la brume par un matin de novembre, votre grand-père en déambulateur, le dimanche en général, des chips molles servies dans une assiette en plastique lors d’une soirée ratée, et un petit chien à l’oeil crevé qui boite au coin de la rue ? C’est le cafard, bien sûr, « ce curieux sentiment au nom d’insecte, ce rampant qui d’un coup prend refuge dans notre âme inquiète, puis y grossit jusqu’à l’inonder de noir », ce frère inversé du fou rire qui nous submerge soudainement pour disparaître aussitôt…
En une dizaine de chapitres, consacrés entre autres au petit cirque itinérant, au zoo, au mois de novembre, à Noël, à la chanson cafardeuse, à la géographie du cafard, au sexe ou au temps qui passe, et qui sont autant d’occasions de multiplier les digressions, François Reynaert dresse un véritable panorama du cafard – qui nous fait rire parce qu’il nous offre une vision à la fois tendre et implacable de nous-mêmes et du monde dans lequel nous vivons.
François Reynaert
François Reynaert est né en 1960 à Dunkerque. Il est chroniqueur au «Nouvel Observateur», à «Campus» (France 2) et sur France Inter. Il a déjà publié: Pour en finir avec les années 80; Sur la terre comme au ciel, une histoire des relations entre l'Église et l'État; Une fin de siècle; L'air du temps m'enrhume, recueil des chroniques du «Nouvel Observateur», Nos Années vaches folles et Nos amis les journalistes.