Venise
La volonté de comprendre la complexité « d’un rêve humain qui s’est fait pierre », à la fois immuable et en perpétuel changement, a déterminé la structure de ce volume, résultat de deux points de vue convergents : le premier est celui des contributeurs francophones, amoureux de Venise et qui ont fait de l’histoire, de l’art, de la culture vénitienne l’objet de leurs recherches, et le second, d’auteurs et de chercheurs italiens. Deux approches complémentaires : l’une vise à recueillir les éléments canoniques du mythe de Venise et à se laisser conquérir par son charme qui résiste à toute forme d’analyse, l’autre propose un abord plus critique par ceux qui vivent cette ville au quotidien.
La première partie relate l’histoire de Venise depuis ses origines. Les auteurs montrent comment cette cité est devenue une nation. 697-1797 : de l’élection du premier doge à la chute de la République, pendant plus de mille ans, la puissance de cet État autonome s’illustrera à travers les noms qui la désignent : la Sérénissime, la Dominante… Le mythe de Venise, tel qu’il se forgera au fil du temps, sera d’abord politique. Cette République rebelle ne se soumet ni au pape ni à l’Inquisition, devenue une puissance maritime redoutable. Cette cité régie par ses propres lois, suscite un imaginaire qui fait d’elle la ville de l’amour, de la séduction, de la sensualité.
Mais ce mythe s’est aussi en partie nourri du thème de la décadence. Avec le déclin puis la chute de la République en 1797, Venise devient une ville d’histoire dont le passé prestigieux est inscrit dans les pierres, mais dont le présent est comme obscurci par une légende mortifère. C’est lord Byron qui, le premier, codifia ce nouvel état d’esprit. On perçoit alors Venise sur le mode de la fin d’un monde : mort à Venise, mort de Venise. Une autre date a depuis conforté cette image : celle de l’inondation du 4 novembre 1966. Événement pivot qui oblige à tourner la page de la nostalgie pour se consacrer à une seule tâche : sauver la cité du danger qui la menace, intervenir sur la structure par des restaurations et développer des formes d’exploitation touristique de masse qui soient compatibles avec la protection, la sauvegarde et le respect de ce milieu fragile.
Les Promenades rassemblent des textes consacrés à la lagune, aux quartiers, aux personnages, aux arts, aux traditions et aux moments significatifs de la vie vénitienne. Elles privilégient l’expérience directe et se rapprochent en cela de l’esprit de certains guides culturels.
Le choix des textes de l’Anthologie était délicat tant les écrivains, artistes, intellectuels qui ont fréquenté Venise sont nombreux, de Thomas Mann à Proust, Morand, Philippe Sollers et tant d’autres. N’ont été retenus ici que des textes contemporains, écrits en prose par des auteurs nés après 1870.
Répondant au choix de privilégier la dimension culturelle, plus encore qu’historique, le Dictionnaire met en exergue, notice après notice, sur un échiquier alphabétique, les nomenclatures, définitions, personnalités, objets, oeuvres et grands hommes de Venise qui permettent au lecteur de tracer son propre parcours.
Alessandro Scarsella
Alessandro Scarsella, critique littéraire, enseigne aujourd'hui la littérature comparée à l'université Ca' Foscari de Venise.
Delphine Gachet
Delphine Gachet est maître de conférences à l'université de Bordeaux, spécialiste de Dino Buzzati et traductrice de nombreux auteurs italiens contemporains.