Trop de soleil tue l’amour
Le vol d’une collection de CD de jazz ? En apparence une broutille. Mais si le lendemain on vous colle le cadavre d’un inconnu dans votre appartement, vous commencez à douter de la bienveillance de votre prochain. Pourtant Zam, journaliste politique, mène une existence sinon paisible du moins routinière, jalonnée de cuites quotidiennes, de ruptures sanglantes et de réconciliations éternelles avec Bébète, d’articles sans lendemain sur la dictature du régime. Se pourrait-il que son investigation sur la spoliation foncière des communautés villageoises au profit du gouvernement ait attiré sur lui les foudres des services secrets ? Zam en doute. Jusqu’au jour où il sort des décombres de son immeuble ravagé par une explosion criminelle.
Ses mésaventures ne font que commencer. Autour de lui l’inertie le dispute à l’absurdité : les policiers s’évertuent à ne pas enquêter, ses confrères de l’opposition trempent peu ou prou dans la corruption, les diplomates du pays des droits de l’homme ont à coeur de ne pas s’ingérer dans les affaires publiques. Si l’on ajoute à cette gabegie la disparition subite de Bébète poursuivie, dit-on, par un mercenaire français ; l’apparition non moins subite d’un fils naturel de Zam décidé à lui faire payer son abandon, on imagine à quel point notre héros aspire aux plaisirs simples de l’existence : un air du Duke ou de Parker et un whisky infect.
Critiquer les institutions, peindre la misère morale des peuples, inventer mille rebondissements et des personnages aussi louches que truculents, telle fut la vocation des grands romans-feuilletons, de Sue à Balzac, telle est celle de Trop de soleil tue l’amour, peinture au vitriol d’un Cameroun dévasté par la corruption et la dictature.
Entraîné par un écrivain d’une telle élégance morale et d’une verve aussi délirante, le lecteur n’hésite pas à rire en toute liberté. Quitte à mettre en sourdine les bons sentiments sur l’Afrique ou à s’interroger sur le rôle de la France dans les guerres et l’économie d’un continent à la dérive.
Mongo Beti
Né au Cameroun, agrégé de lettres classiques, le romancier et essayiste Mongo Beti a longtemps enseigné à Rouen. Depuis la parution de son dernier livre L'Histoire du fou (Julliard 1994), il est retourné vivre à Yaoundé où il tient la Librairie des Peuples noirs.