Lettres, notes et carnets du général de Gaulle T.2 janvier 1942 fin mai 1958
Les Lettres, notes et carnets révèlent tout un pan de l’oeuvre littéraire de Charles de Gaulle, très différent dans l’esprit et dans la forme de ses ouvrages de réflexion et de souvenirs. Ces documents réunis et publiés après sa mort par son fils, l’amiral de Gaulle, relèvent d’une démarche plus immédiate et spontanée. Ils sont rédigés le plus souvent à l’intention d’un correspondant particulier ou d’auditoires restreints, sinon pour le seul usage de leur auteur. Dans la majorité des cas, ce sont des oeuvres de premier jet, écrites avec une liberté de ton qui fait parfois défaut à ses Mémoires, travaillés à l’extrême.
L’épistolier ou le diariste laisse apparaître ici un de Gaulle que le mémorialiste s’interdit de montrer : l’homme privé, le personnage en quelque sorte officieux, capable de s’abandonner à un élan de tendresse comme d’exprimer sans fioritures le fond de sa pensée. Hormis ses écrits de jeunesse, les textes de ses conférences d’histoire prononcées en captivité puis à Saint-Cyr et à l’École de guerre, ceux de ses allocutions devant les officiers de son bataillon, quelques études sur les questions de défense nationale et des résumés d’entretiens, l’essentiel des Lettres, notes et carnets émane ainsi de plus de soixante années de correspondance et de notations personnelles.
De 1907 – première lettre publiée, adressée à son père par un fils de dix-sept ans « affectionné et respectueux » – au 9 novembre 1970 – ultime message envoyé à son propre fils -, Charles de Gaulle a entretenu avec ses proches ainsi qu’avec la plupart de ses interlocuteurs politiques, français et étrangers, et avec quantité d’intellectuels, d’artistes et d’écrivains, une relation épistolaire d’une ampleur et d’une richesse considérables.
Plus épars et discontinus, ses carnets, tenus depuis l’adolescence, constituent l’autre volet des écrits intimes de Charles de Gaulle. Ils renferment pêle-mêle des considérations d’ordre historique et politique, des notes de lecture, des citations de Virgile, de Péguy ou de Chateaubriand. Autant d’éléments qui l’ont aidé à travers le temps à se construire, à forger ses idées et à inventer son univers. Certaines confidences permettent de mieux cerner la vérité profonde du personnage. Les plus nombreuses datent de 1916, année où le jeune officier met à profit sa captivité pour s’adonner à l’écriture. « J’estime que la première condition du bonheur pour un homme est de sortir de lui-même, dans le monde d’aujourd’hui », note-t-il à ce moment-là, ajoutant quelques pages plus loin : « Jusque dans ses pires cruautés, la Vie a des saveurs qui la rendent désirable. »
Trente ans plus tard, au lendemain de la Libération, de Gaulle écrit seulement ceci, qui suffirait à résumer l’ensemble de sa pensée : « Pardonnez-moi ! Je n’aime que la France. »