Je regrette d’être né là-bas
La Corée du Nord constitue sans doute le foyer du bloc communiste resté le plus imperméable aux bouleversements issus de la fin de la guerre froide. Fidèle à la théorie de l’autosuffisance prônée par son «Grand Leader» Kim Il Sung, le pays pratique une politique extérieure isolationniste et s’enfonce inexorablement dans la pénurie. Dès le début des années 1990, la famine pousse les Nords-Coréens à rejoindre la Chine dont on commence à savoir qu’il fait meilleur y vivre. Mais face au flux croissant d’exilés affamés, le «grand frère» engage une véritable chasse aux migrants illégaux, qui sont alors renvoyés dans leur pays et emprisonnés dans des camps. La répression chinoise a pour effet d’accélérer le processus de migration des Nord-Coréens vers le seul pays qui leur offre asile: la Corée du Sud.Tae Gum, Jin Kyung et Bok Yol, dont les auteurs transcrivent ici les témoignages, ont, comme tant d’autres, tenté en vain leur chance sur le territoire chinois. Avec une simplicité déconcertante, ils racontent comment la quête impossible de survie les a poussés à fuir, comment ils ont peu à peu pris conscience du mensonge terrible et criminel dont ils étaient prisonniers et comment, à l’issue d’épreuves et de souffrances qui font d’eux des survivants, ils sont finalement parvenus à rejoindre la Corée du Sud. Ces trois récits de vie ne constituent pas seulement un témoignage humain alarmant ; ils posent aussi de façon radicale un problème politique incontournable: que penser de l’impuissance internationale face à un pays qui affame et emprisonne ses citoyens? la répression chinoise n’est-elle pas une complicité de fait avec le régime nord-coréen? quels peuvent être les moyens d’améliorer la situation sanitaire et humanitaire en Corée du Nord, quand les habitants mêmes de ce pays estiment qu’elle sert les élites?
Marine Buissonnière
Marine Buissonnière a trente-deux ans. Diplômée de gestion et parlant couramment le chinois, elle rejoint MSF en 1996. Volontaire en Chine, en Palestine, au Japon puis en Corée du Sud, elle est aujourd'hui secrétaire général du mouvement. Elle fut à l'origine des premières actions d'MSF sur la frontière sino-coréenne.
Sophie Delaunay
Sophie Delaunay a trente-huit ans. En 1992, elle rédige une thèse sur l'isolationnisme nord-coréen dans le cadre d'un Master's Degree en sciences politiques à l'université de Yonsei à Séoul. Elle s'engage à MSF en 1993. Pendant dix ans, elles participa à des missions humanitaires en Thaïlande, au Rwanda, en Chine et en Corée du Sud.