Le coeur à rire et à pleurer
Dans la Guadeloupe des années cinquante, on tient son rang en se gardant de parler créole; on méprise plus noir et moins instruit que soi. Les conventions priment les sentiments: on ne cède pas aux larmes devant le cadavre d’un être cher; on cache, infamie, un divorce dans la famille.Contre des parents qui semblent soudés surtout par le mensonge, contre une mère aussi dure avec les autres qu’avec elle-même, contre un père timoré, la petite Maryse prend le chemin de la rébellion. L’insoumission, la franchise assassine, l’esprit critique forgent son caractère. La fuite dans un monde imaginaire, la soif de connaissance, les rêves d’autonomie et de liberté la guident vers son destin d’écrivain.Mais peu à peu la mémoire adoucit les contours, les épreuves de la vie appellent l’indulgence, la nostalgie de l’âme caraïbe restitue certains bonheurs d’enfance. Et Maryse se souvient alors de cet instant qui lui redonna l’amour des siens, de cette ultime nuit où «roulée en boule contre son flanc, dans son odeur d’âge et d’arnica, dans sa chaleur», elle retrouva sa mère en la perdant.
Maryse Conde
Maryse Condé est née en Guadeloupe. Elle a étudié à Paris, avant de vivre en Afrique, d’où elle a tiré l’inspiration pour son best-seller : Ségou (Robert Laffont, 1985). Elle compte actuellement plus d’une douzaine de romans à son actif, dont Moi, Tituba, sorcière (grand prix littéraire de la Femme, 1986), La Vie scélérate (prix Anaïs-Ségalas de l’Académie française, 1988), Le Cœur à rire et à pleurer (prix Marguerite-Yourcenar, 1999). Elle enseigne actuellement la littérature à l’université de Columbia (New York).En 1993, Maryse Condé a été la première femme à recevoir, pour l’ensemble de son œuvre, le prix Putterbaugh décerné aux Etats-Unis à un écrivain de langue française.