Carnets inédits
Depuis près de quarante ans, Jacques Julliard consigne dans ses carnets réflexions, notes de lecture, portraits et récits de rencontres. Un document intellectuel et politique de premier ordre.
De 1987 à 2020, les Carnets de Jacques Julliard regroupent les observations d’un homme qui engagea tôt ses actions dans le sillage des valeurs du socialisme en faveur de la justice sociale puisant dans les profondes racines du catholicisme.
Il évoque ses échanges avec Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, sur un registre ni courtisan ni opposant, mais toujours avec une liberté d’esprit et d’expression qui est sa marque propre et lui vaut le respect au-delà de ses options idéologiques.
Au tournant du siècle, il voit se concrétiser ses inquiétudes sur le devenir du socialisme : le PS perd de plus en plus son âme. Jacques Julliard en détecte tous les signes et les analyse avec une lucidité clinique, dans une mise en perspective historique plus large que la contingence des épisodes. Sa dent se fait dure, à la mesure de la déception éprouvée pour un idéal qui, pour lui, est resté intact. Il rappelle alors, en puissant écho à Péguy, la nécessité de se faire traître, dans le jeu de la politique, quand il s’agit de rester fidèle à la vérité.
La perte du paramètre religieux dans la société française l’amène à s’interroger, avec Benjamin Constant et Tocqueville : une société sans religion au sens traditionnel du terme, n’est-elle pas guettée par une religion temporelle imposée, c’est-à-dire par le totalitarisme ? Toutes les dérives de la société française, qu’il recense sans indulgence, menacent d’aller dans ce sens : l’éclipse des grands hommes, des écrivains indiscutables, des esprits supérieurs, même si on ne partage pas leurs vues ;
- La France, qui tend à devenir une mosaïque de communautés séparées, sans que la gauche, qui se prétend républicaine, s’insurge ;
- L’individualisme endémique et la dureté qui en découle : « Une société au cœur dur et à la tripe sensible » (Bernanos) ;
- La médiocrité des personnalités politiques : preuve que la fonction politique n’attire plus les meilleurs d’une génération ;
- Les mauvaises guerres de la gauche : à la lutte des générations et des cultures, la gauche, enimitation servile des campus américains, est en train de surajouter la lutte des sexes et la lutte des couleurs ;
- La disqualification des intellectuels, qui ont renié l’indépendance de l’esprit face à la bigoterie, pour faire oublier le fanatisme religieux des islamistes ;
- La dépendance des gouvernants envers l’opinion publique ;
- La médiocrité des organisations syndicales dissociées des travailleurs et de l’entreprise, en lutte principalement pour leur propre reconnaissance ;
- La destruction de l’École, cet instrument capital de l’intégration sociale et ethnique par les « malfaiteurs de la pédagogie ».
- La crise des gilets jaunes, les soulèvements contre la réforme des retraites, la crise du coronavirus sont mises en perspective avec l’Histoire et ses penseurs : une société qui n’a plus pour but que la conservation individuelle de chacun de ses membres se nie comme société.
- Julliard relève l’incapacité d’Emmanuel Macron, mi-marcheur, mi-techno, à « éteindre les incendies », à trancher avec l’autorité attachée à sa fonction. Il appelle pour sa part à une forme de patriotisme de base, une union des citoyens qui précède toute action politique et qui définisse la nation en tant que volonté commune.
Jacques Julliard
Historien, essayiste, théoricien, journaliste engagé, Jacques Julliard occupe une place particulière dans notre univers intellectuel, alliant l'indépendance d'esprit à la fidélité à ses idées. En collaboration avec Jean-Claude Michéa, il publie La Gauche et le Peuple (Flammarion, 2017). Son dernier ouvrage, L'Esprit du peuple, paraît aux Éditions Robert Laffont en 2017.