L’amour ouf
Jackie et Johnser ont grandi dans le même quartier misérable de Ballyfermot, à Dublin. Lui, Johnser, petit dernier d’une tribu de dix-huit enfants, décide à l’adolescence de devenir bandit. Il trouve que ça sonne mieux que » chômeur « , ce que sont tous ses frères. Elle, Jackie, gamine délurée et dégourdie, tombe amoureuse de Johnser, et entre dans sa bande. Il la repère, ils sortent ensemble et Jackie devient populaire, la reine du quartier : » Être la meuf de Johnser signifiait que tu étais le nombril du monde…, toutes les filles voulaient aller aux toilettes avec toi. » Tout va bien jusqu’au jour où Tara Coyle, l’allumeuse du quartier, entre en scène. Jackie a à peine le temps de comprendre qu’elle s’est fait plaquer pour avoir refusé » d’aller jusqu’au bout » que Tara se retrouve enceinte. Désespérée, Jackie accepte enfin de coucher avec Johnser, mais c’est Tara qu’il épouse, sans savoir qu’il vient de laisser un dernier » cadeau » à son premier amour : un enfant… De dépit, Jackie se marie avec Jeffrey, qui n’a d’autre mérite à ses yeux que d’être fou d’elle et, croit-elle, mieux installé dans la vie. Huit ans passent. Johnser continue ses coups minables qui ne tardent pas à le mener en prison. Sa vie de couple est un désastre (prétexte à des scènes hilarantes dans le genre enfer conjugal). De son côté, Jackie met au monde un deuxième fils, se fait battre par son mari qui finit par ruiner sa famille au jeu, et se voit contrainte de trouver refuge chez ses parents. Là elle reçoit une lettre de Johnser, de prison. À sa sortie, ils se revoient et s’installent ensemble. Par amour pour Jackie, Johnser arrête de dealer. Mais Jackie sent que le passé va les rattraper, que leur histoire est condamnée à finir tragiquement. Un soir, un gangster pénètre chez eux et abat froidement Johnser, d’un coup de fusil, empêchant à jamais Jackie d’avouer à » son homme » que son fils aîné était aussi le sien… C’est le point de départ de ce récit poignant, subtilement construit en flashes-back dans une intensité dramatique croissante. Un romantisme d’autant plus émouvant qu’il est âpre, noir, à mille lieues de toute mièvrerie et de tout misérabilisme facile. Une forme d’humour irrésistible où le rire est la suprême politesse du désespoir.