Noir devant
«Noir devant» est le troisième recueil de poèmes de Jean-Pierre Milovanoff, et confirme la préoccupation de l’auteur d’aller à contre-courant d’un certain hermétisme contemporain. Ce qui frappe dans ces pages – outre la simplicité du propos, qui n’exclut nullement leur profondeur – c’est, à travers l’extrême diversité de l’inspiration, la singularité d’une voix qui n’appartient à aucune école, ne suit aucune mode, mais assigne à la parole sa plus haute mission et suggère une possible réconciliation avec le monde. Cette voix, tantôt ample jusqu’à l’épopée, tantôt intime et modeste comme un murmure, semble venir de loin pour convoquer toutes les émotions, tous les mystères de la vie. De la ballade épique, narrative ou lyrique, à la plus humble chanson, en passant par la complainte, beaucoup de formes poétiques sont ici revisitées, parfois avec humour et désinvolture, dans une langue qui ne fait jamais obstacle à ce qu’elle dit – langue musicale, fluide, sensuelle et inattendue, portée par une énergie peu commune, avec une référence constante à l’oralité: Milovanoff reprend et poursuit dans ses poèmes l’expérience poétique des griots. En un sens, ce recueil peut être considéré comme une autobiographie imaginaire. Les thèmes majeurs (l’exil, l’errance, le nomadisme, l’amour, la mort, la tyrannie, la séparation…) découlent de l’expérience même de l’auteur, marqué par la figure du père exilé, la mémoire des tueries et des génocides du XXe siècle et la nécessité d’une résistance personnelle à la barbarie toujours possible.