L’empire du temps
En cette fin du XIXe siècle, une révolution technique sans précédent bouleverse la planète: le chemin de fer sillonne les continents, le télégraphe plonge dans les océans, les cargos relient entre eux tous les ports du globe. Et, lancés en éclaireurs, les cartographes arpentent déserts et forêts armés d’un théodolite et d’un compas. Pour orchestrer ce vaste va-et-vient, il faut des horloges. Des horloges coordonnées qui permettent aux trains d’arriver à l’heure, aux cartographes de tracer des longitudes, aux marins de savoir à quel méridien se fier pour faire le point. Mais comment un cartographe installé sur une plage du Brésil peut-il savoir l’heure qu’il est à Greenwich au moment où il fait son relevé astronomique? Comment être sûr qu’une horloge de la gare de Berne est synchronisée avec une horloge de la gare de Lausanne? Et d’ailleurs, qu’est-ce la synchronisation? Qu’est-ce que la simultanéité temporelle de deux événements distants? Qu’est-ce que le temps? C’est en se posant ces questions que Einstein et son précurseur méconnu Henri Poincaré ont mis à mal le temps absolu d’essence divine que les générations précédentes avaient accepté comme un dogme. La synchronisation des horloges, disent-ils chacun selon leur tempérament, est le fruit d’une convention, et le temps une notion relative. Ainsi la révolution technique a-t-elle donné naissance à une révolution scientifique et philosophique. «L’Empire du temps» est l’histoire de cette gestation et de cette naissance.
Peter Galison
Peter Galison est professeur d'histoire des sciences et professeur de physique à l'université de Harvard. Le prix Max-Plank a couronné son livre Image and Logic, « meilleur livre d'histoire des sciences » en 1999. Francophone, il sera à Paris pour le lancement de son livre L'empire du temps.