Le livre noir du colonialisme
Les conquêtes, puis les luttes pour l’indépendance ont nourri les pages les plus sanglantes de la colonisation: aux Caraïbes, en Australie, en Amérique du Nord, les conquérants ont perpétré de véritables exterminations; en Algérie, au Vietnam, les luttes de libération sont devenues des guerres destructrices. Mais le colonialisme, ce fut aussi la traite et l’esclavage, c’est-à-dire la déportation de dix à quatorze millions d’hommes et femmes; ce fut, une fois l’esclavage aboli, le travail forcé et les terribles conditions sanitaires qui lui étaient associées. Le XIXe siècle, ère industrielle, fut marqué par l’accélération et la systématisation de l’exploitation économique des sociétés conquises. Et du XVe au XXe siècle, les nations conquérantes produisirent un discours qui, loin de cacher les crimes commis, visait à les justifier. Or le colonialisme n’a pas seulement laissé des blessures difficiles à cicatriser: il se perpétue sous de nouvelles formes que «Le Livre noir» met en évidence. En Australie, la prise de conscience du massacre des Aborigènes a eu lieu, mais elle n’est pas suivie d’effets. Dans les pays occidentaux, les vagues d’immigration qui ont suivi la décolonisation ont élargi le champ du racisme. Au Rwanda, au Tchad, au Soudan, les peuples se sont débarrassés des colons, mais un colonialisme sans colons a créé une nouvelle classe dirigeante, très minoritaire, qui s’est greffée sur celle des puissances bancaires internationales et rend ces pays politiquement et économiquement dépendants de forces anonymes et inassignables.Autour de Marc Ferro, auteur d’une «Histoire des colonisations» qui est devenue un classique, une équipe d’historiens analyse les étapes et les mécanismes du colonialisme dans toutes les régions du monde où il s’est imposé. Un bilan dont les événements de septembre 2001, les soubresauts de l’Algérie, les récentes manifestations de repentance en France rappellent qu’il est plus que jamais d’actualité.