Le Cool dans nos veines
Perdu dans la cohorte des mots intraduisibles qui traduisent pourtant leur époque, le cool résonne comme un appel, une tentation. « C’est (trop) cool. » Si chacun reconnaît que le monde va mal, personne n’aspire à autre chose dans sa vie qu’à y faire régner le cool. On l’éprouve, on le goûte, on l’observe, on le fantasme, on s’en repaît, on s’en moque aussi un peu, puisque rien ne dure jamais vraiment. Le cool est fugace. Il renvoie à tout et n’importe quoi, pourvu que ce n’importe quoi, oscille entre le calme, le frais, le léger, le stylé, le beau et le fun.
Le cool jouit d’un acte de naissance officiel, lancé à la face du monde en 1957 à la faveur d’un disque de Miles Davis, The Birth of the Cool, qui outre de révolutionner la musique, a bousculé les représentations mentales. De Miles Davis à Johnny Cash, de Duke Ellington à Marvin Gaye, de Paul Newman à John Travolta, du Big Lebowsky à Pharrell Williams, de John Fitzgerald Kennedy à Barack Obama… : Mister Cool est un homme aux mille visages.
Surtout, le cool propose une réponse possible à la détresse de notre époque survoltée : lorsqu’on adopte ses règles, l’existence s’adoucit ; il sait désarmer les agressifs, déjouer les pervers, dépasser les controverses, apaiser les tensions, prévenir les dangers, soutenir les faibles, laisser flotter les mystères, susciter des énergies, consolider l’empathie, attiser les colères justes. Il ne fait pas d’histoire, il laisse couler le temps.
Le cool ? Une utopie à portée de main.
Jean-marie Durand
Jean-Marie Durand, rédacteur en chef adjoint des Inrockuptibles depuis 1997, est la preuve vivante que le cool existe.