Notre dernier monarque
« Philippe Alexandre aura été un pionnier du poil à gratter radiophonique et du trait à la pointe sèche », écrit Serge July dans sa préface. Il avait la bonne réputation de saler toutes les plaies de l’actualité parlementaire, ministérielle et présidentielle, de droite comme de gauche… Sur l’antenne (RTL) où il officiait, il avait adopté le ton jubilatoire qui est celui des gourmets lorsqu’ils évoquent le meilleur de leurs passions. Dans le microcosme, ses griffures suscitaient des réactions énervées qui ont toutes contribué à sa renommée.
Philippe Alexandre, peu indulgent en général avec la classe politique, n’a jamais caché la fascination qu’exerçait sur lui ce souverain à la fois donjuanesque et romanesque, qui s’imposait avant tout par l’éclat et l’habileté du verbe. Pendant quatorze ans, il n’a cessé de l’observer, de commenter son action sans complaisance d’aucune sorte, mais avec le sentiment constant de vivre un grand moment de la dramaturgie nationale. Il a porté le même regard lucide et souvent ironique sur les différents épisodes, les espoirs déçus, les jeux subtils, les retournements de situation, les drames et les « affaires » qui ont jalonné les deux septennats de François Mitterrand.
Au fil d’un journal d’un genre un peu particulier, ponctué de réactions épidermiques, de coups de sang, d’éclats de rire et parfois de moments de tendresse, c’est toute une époque que Philippe Alexandre fait revivre, à travers non seulement la personnalité du chef de l’État, mais aussi celle des grands acteurs politiques du moment, de Pierre Mauroy à Jacques Chirac et Edouard Balladur, et de quelques « étoiles montantes », comme Laurent Fabius, Martine Aubry ou Nicolas Sarkozy. Philippe Alexandre montre aussi comment certaines carrières promises à une grande ascension, celles d’un François Léotard, d’un Michel Noir, d’un Jacques Delors ou même d’un Michel Rocard, se soldèrent par des échecs ou des déceptions sans appel.
Cette chronique insolente de la France mitterrandienne se lit aujourd’hui comme un savoureux témoignage sur le règne de notre dernier monarque. Brossées à chaud et sur le vif, avec un talent inimitable, ce sont autant de scènes d’une vie politique qui tient tour à tour du drame cornélien, du vaudeville ou de la fable auxquelles on assiste et dont chaque péripétie doit beaucoup à l’art de gouverner d’un manipulateur hors pair.
Philippe Alexandre
Philippe Alexandre est journaliste et écrivain. Il a travaillé dans la presse écrite et à RTL pendant plus de vingt-cinq ans ; il a publié des essais politiques, soit seul, soit avec Béatrix de l'Aulnoit. Pour mon fils, pour mon roi est leur troisième biographie écrite à quatre mains.