Le roi est nu
Monsieur le président,
Souffrez que je commette une impertinence : celle de définir votre règne. Il ne suffit plus, en effet, de dénoncer votre méthode de gouvernement. C’est devenu un sport national. Non, il faut maintenant en saisir le sens global. Qu’est-ce que le sarkozysme ? Voilà la question que nos concitoyens se posent, avec curiosité à l’origine, avec angoisse aujourd’hui. Source d’amusement dans les premiers mois, vos écarts sont devenus si étranges qu’ils jettent un doute général sur la présidence. Une hypothèse court dans toutes les têtes : le sarkozysme est peut-être un vaste malentendu, une erreur originelle, un couac de distribution.
Le but de ce livre est de démontrer que votre mouvement d’ensemble n’est pas douteux. Vos convictions, maintes fois affirmées dans vos livres et vos innombrables discours, forment un noyau idéologique bien identifié. Fondé sur les valeurs les plus anciennes de la centralisation politique et de la solidarité avec le capital, le sarkozysme est avant tout un autoritarisme droitier inédit en France depuis des lustres. La rupture dont vous vous réclamez, c’est la rupture avec le progressisme relatif qui animait la classe politique depuis la Libération, même au sein du camp conservateur. Quoique né dans le parti du Général, vous en avez oublié les principes pour les troquer contre un néo-conservatisme qui nous renvoie au double héritage de Louis-Philippe, pour la fascination de la richesse, et des Bonaparte pour la méthode d’exercice du pouvoir. Je crains maintenant que vous vous entêtiez dans cette voie néfaste. Il est donc temps de le dire avec éclat : le roi va régner encore pour quatre ans. Mais le roi est nu.
Laurent Joffrin
Laurent Joffrin est directeur du Nouvel Observateur, essayiste et romancier.