Instinct primaire
Un ciel bleu, une église, un mariage, une foule rassemblée pour célébrer l’amour, la montée vers l’autel, une mariée souriante… Une mariée aux yeux brouillés de larmes qui s’enfuit, laissant derrière elle l’homme de sa vie. C’était un an plus tôt, et la narratrice n’a plus jamais revu celui qu’elle a choisi de ne pas épouser. Elle souffre : il lui manque, elle lui écrit. Malgré son apparence criminelle, cette fuite devait sauver un homme et une femme de ce qu’ils repoussaient tous deux au début de leur passion : les conventions, les automatismes, la résignation. Elle se croyait aimée et donc comprise ; mais en cours de route, rattrapé par les réflexes du conformisme, il a oublié qu’elle ne lui avait jamais demandé de quitter sa femme, qu’elle aimait être sa maîtresse, qu’elle ne voulait pas d’enfant, et que l’amour qu’elle lui portait était absolu, puisqu’il était aussi amour de sa liberté. Or, la liberté semble demeurer le plus encombrant des cadeaux… À force d’entendre les héritières du féminisme décréter qu’une femme n’est jamais « complète » si elle ne devient pas épouse et mère, un homme peut-il admettre un discours différent de la part de celle avec qui il souhaite partager sa vie ? N’a-t-il pas, d’ailleurs, été forgé, éduqué, dressé par sa propre mère à ne jamais concevoir aucune autre représentation de la femme ?
Avec l’originalité qui la caractérise, Pia Petersen pénètre dans la grande tragédie de l’incompréhension entre hommes et femmes pour observer le sentiment amoureux et son asservissement aux moeurs d’une époque. Depuis les paradoxes d’un temps où « le mariage et les enfants pour tous » se cogne à la valse des divorces et au surpeuplement, jusqu’aux vices cachés des esthétiques littéraires féminines, elle mène une savoureuse exploration de nos instincts primaires.
Pia Petersen
Pia Petersen surprend toujours ses lecteurs par la diversité des registres romanesques qu'elle domine. Associant avec audace l'intrigue policière et le monologue onirique (Une fenêtre au hasard, Une livre de chair, Actes Sud), elle poursuit une étude philosophique de l'objet littéraire au sein même des péripéties de ses romans et traque les codes de notre époque. Le récent succès d'Un écrivain, un vrai (Actes Sud) révèle sa malicieuse habileté à analyser l'échec de la création dans le grand galop du consumérisme. Complexes, nuancés, ses personnages jouent leur destin à la roulette, inconscients des forces rhétoriques qui les écrasent. Critique pour des revues littéraires, Pia Petersen a également exploré le pouvoir du livre en tant que libraire. Fascinée par tous les aspects de la chose écrite, elle installe dans chacun de ses romans un système de miroirs invitant son lecteur à se retourner sur les détails d'une époque dont elle traque les codes. Éternelle voyageuse, depuis son Danemark natal jusqu'à Marseille, engagée dans une quête de l'altérité et de l'ailleurs, elle est l'auteur d'une oeuvre novatrice, singulière, infiniment précieuse à la littérature contemporaine.
Son site Internet : piapetersen.net