Heureux les fêlés…
Pour réunir les pensées, réflexions et aphorismes qui constituent Heureux les fêlés… pendant deux ans, Françoise Audouard, la femme d’Yvan, a relu chacun des quelque quatre-vingts livres de la bibliographie de son mari : contes provençaux, essais polémiques, romans policiers, romans et autres livres de circonstance. De cette turbulente marmaille, elle a extrait les aphorismes, les phrases isolées, les lignes de dialogues qui étaient une de ses marques de fabrique et sa meilleure part. S’y sont ajoutés des « mots » recueillis de lui au cours des dernières semaines de sa vie.
Yvan Audouard a toujours montré un goût pour la saillie, le mot d’esprit, le haïku à la Lutèce, l’à-peu-près, l’épigramme – tout ce qu’il y a de bref dans la littérature. Mais son talent ne se limitait pas au pastiche, à la provençalerie, au bon mot de fin de repas. Des esprits superficiels, qu’il alimentait par ses propres provocations, crurent que le chroniqueur féroce du Canard enchaîné n’était qu’un impertinent. Avec le temps il acquit une sagesse qu’il dispensait à chacun sous la forme d’une sorte de bouddhisme provençal… Pour l’apprécier, nul besoin de l’avoir connu : il vous suffira en lisant ces phrases de fermer les yeux et de vous imaginer assis à ses côtés, à l’ombre croisée de l’abricotier (dit « cascaréléjeur ») et du figuier de son jardin de Fontvieille, le coeur de sa Provence, son centre du monde.